Au mur du café s’affichent
Ce visage de femme très slave
Et cet écorché de la terre
Pâle planisphère colorié
Qui a dû donner
Des becquées de géographie
Aux buveurs de café froid
Et aux appétits d’oiseaux
Dans ce visage très slave
Pelisse noire jusqu’à la joue
Saisi par Corbeau, photographe,
Plus pénétrant qu’une fumée
Les yeux ont le même clarté
Que l’ivoire dans l’ébène
La formule de l’appel
Un jaillissement d’ex-voto
De la carte au visage
On passe à travers elle
Radiographie de l’Europe
Continentale inconnue
On passe à travers le portrait
De cette femme sophistiquée
Aux racines du monde
Compliqué, à son embouchure
On voit les planches
D’anatomie coloriées
Les tissus, les dorsales
Les secrets faux, les effets
Du sang, du derme
La tectonique de la peau
Happées par l’imprimeur
Pour la pédagogie du cerveau
Il n’y a pas sur la terre
De continent plus large
Davantage de distance solide
Davantage d’horizon
Barré par la poussière
On y descend –il n’y a pas de fond-
Aspiré par le regard
De cette femme-oiseau
Au mur du café s’affichent
Ce visage de femme très slave
Et cet écorché de la terre
Pâle planisphère colorié
Dont la bouche surdessinée
Saisie par Corbeau, photographe
Ne prononcera pas
Le moindre mot
Dont la bouche intense
Au moindre soubresaut
De la terre ou aux environs
Du souffle ou de la peau
Saurait tout traduire
Résille de miel et de neige
De la langue allusive
Des buveurs d’effroi
Aux touts petits
Cliquetis d’oiseaux.
5 avril 2005, Lannion, au vu d’un portrait d’Isabelle Huppert, par Roger Corbeau