Le lourd chalutier de guerre
Est sur sa rampe de lancement
Il n’est pas neuf, mais c’est pour lui
Le moyen sûr de gagner la mer
Ce matin, le moteur est insuffisant
On le pousse, on le force, on l’emballe
On n’y croyait plus
Enfin, le bâtiment s’ébranle
La rampe n’est pas disposée face au large
Mais perpendiculaire au quai d’en face
Le lourd chalutier de guerre
Entre dans l’eau à une vitesse infernale
Traverse le chenal sans le sentir
Traverse le quai d’en face : on s’épouvante
Les bâtis s’écroulent
Des parts d’immeuble tombent
Des fenêtres s’ouvrent
Sur la vie des gens, sur des chambres
Les rangs de murs s’affaissent
On craint pour toute l’existence du quai
La proue du navire emballé
Rien, jusqu’à ce jour, n’a pu l’arrêter
On nous présente un couple
Dans une chambre éventrée
Une assez grosse fée noire
S’active à nous le présenter
Lui est habillé à la mode bourgeoise
Des velours et du gras
Elle est toute jeune et son regard
Un peu flou, un peu perdu, un peu en dedans
Nous avertit qu’on a dû l’enfermer
Que penser de tout ceci, que penser de cette affaire ?
La charge du blindé a donné de l’air
Ce matin à une pauvre personne.
20 février 2006, Douarnenez