Roche, Canton d’Attigny, Ardennes
Quatorze mars deux mille quatre
Petit paysan
Il t’a manqué une voiture automobile
Et d’aller soulever la poussière
Sous le grand circulaire de Roche
Près Chufilly, où le cimetière démembré
Évoque l’Amérique du nord
Et son église blindée la trouille fondamentale
Des nouveaux sauvages blancs
À Mery, pareil : des tombes défaites
On dirait que le sol n’en veut pas
L’herbe est verte dans l’enclos
Les perce-neiges tètent innocemment
Les vingt-deux ans d’Aristilde Charpentier
Qui manque à ses parents de 1892
Les autres noms sont mangés
Une grande bâtisse carrée hante le bois proche
Nous ne croyons pas que ces arbres
Trop jeunes, t’aient pu croiser
Mais quelle est l’échelle de temps
Du ciel, qui semble ici océanique ?
Un cavalier sort du chemin
C’est-à-dire comme on sort de l’eau
Une famille de daims campe en pleine terre,
S’alarme de très loin, gagne un autre labour
Les indices manquent
Pour en estimer l’hospitalité
À notre aplomb, d’assez haut
Un petit oiseau têtu nous jette des miettes actives
Nous heurtons, à l’angle du bois
La certitude d’une charogne
Avant ça, dans la broussaille, l’odeur
D’un datura coïncide avec l’introuvable
Tout le ciel avance avec ses grumeaux
L’éternité paraît propice
Au bas du pré, le soleil pourrait m’épingler
Sur la haie avec un fil dur de photons
Et me rogner tout l’intérieur
Mitochondrie par mitochondrie
En une ribambelle d’explosions
Simultanées, millions de gueules de fours
La caravane est prête au bout du pré
Un autre monde attend plus bas
Tendu vers un pôle inférieur
Ardennes, Aden : tourner autour de lui
Sur la terre de Roche
L’empire d’Arthur nous ponctionne, nous insémine
Et nous crachons ses vers, des bribes de lettres
De première fraîcheur.
16-17 mars 2004, Ardennes