[Le décompte du nombre de jours depuis la naissance de l’île est variable.]
1ère partie : LE LABORATOIRE
[Morgane]
Il est temps d’ajuster les casques. Câble à gauche. Les câbles sont nécessaires, mais fragiles.
Nous sommes au vingt-et-unième siècle et nous avons d’autres chats sur le feu. Mais quelqu’un a jugé qu’il pouvait nous mettre avec vous dans le noir, un temps… Et qu’il pouvait y consacrer de l’électricité…
Éteignez les téléphones s’il vous plaît. Le dispositif est plutôt sensible.
Vous pourrez fermer les yeux. Votre propre noyau fournira l’image.
Cette chose, cette sorte de transport, à laquelle vous êtes conviés, est aussi bien boutiquée que possible. Aussi bien que nous en sommes capables, mon homme et moi. Ce n’est pas tout à fait notre métier. Il nous est arrivé quelque chose…
Sans électricité, ici…
Nous aurions, pour vous figurer l’Île, nos voix nues,
des souvenirs, des conserves – de tomates –, des foulards – de mémés –, un paquet de cigarettes, un bocal d’alcool… Un bouquin d’images pourrait circuler… Mais pas un coquillage où coller l’oreille.
Dans quoi bocaliser la rumeur du sol… de l’air, des feuilles ?
Un bocal de rumeur de feuilles…
La couche d’humus est exceptionnelle.
La région est agricole.
À quelques heures de vol d’ici.
Ça pourrait commencer comme une conférence de connaissance du monde, région lointaine dont on ramène des heures. Des blocs de temps sonore. Une île récente. Vénéneuse…
À quelques heures de nous…
Ça pourrait commencer comme une conférence de connaissance… de soi.
Lumière…
[Alfred]
On nous demande qui nous paye pour aller là-bas.
La vie nous paye.
9 septembre. Je suis allé mettre des pas dans l’ex-village de Bober. Comme on va mettre des fleurs au cimetière. Comme on irait mettre un peu de musique à Malenki-Minki.
[Morgane]
Alfred Tomosi. Son fantôme.
L’Île est tirée d’un journal de bord. Collection d’arrêts. Collections de minutes. Une sorte de campagne… de fouilles.
Ce mannequin est une sorte de… sonde ?
Je ne sais pas à quoi vous vous attendez…
[Pascal]
Le texte charge.
Un mot sur le dispositif…
Cette tête artificielle réplique les mécanismes de l’écoute humaine, laquelle est capable de localiser dans tout l’espace – avant/arrière, gauche/droite, haut/bas – avec seulement deux capteurs : gauche… et droite.
Cet espace tridimensionnel s’écoute au casque. C’est le système d’enregistrement le plus troublant que l’on connaisse : la chose sonore arrive au cerveau sous sa forme habituelle.
[Alfred]
On nous demande qui nous paye
Pour aller là-bas
La vie nous paye.
[Pascal]
Ce modèle est un HSU III, de chez HeadAcoustics. Sauvé de la casse. Tout le système auditif a été remplacé par du 4053. Il s’appelle Vlad. Vlad. Il a trempé dans l’Archipel. Il en sort. Il est probablement propre. Zéro virgule dix ou onze… Voilà.
[Morgane]
Vérifie, tu veux.
[Pascal]
Radiographie du sol… On dirait un oeil…
Une gosse, au bord de l’eau… Mille neuf cent quatre-vingts… Zéro virgule zéro neuf. C’est propre.
[Morgane]
L’alarme est à combien ?
[Pascal]
9…
[Morgane]
Il compte encore là ?
[Pascal]
12, 18…
[Morgane]
Il a pris ?
[Pascal]
Hum… Ça va.
[Morgane]
Ça nous laisse combien de temps ?
[Pascal]
Deux cents fois la dose… une heure et quelques.
Tout fonctionne.
[Morgane]
Mesdames et Messieurs… L’île de T.